Regards de Dirigeants

Auteur

Demo Author

Date de publication

Interview COPRO+

Depuis plus de 15 ans, Cécile Barnasson et Pierre Olivier se passionnent pour la question de
la copropriété. En 2009, ils ont cofondé COPRO+, une société indépendante de conseil en
copropriété. Un sujet revêtant une importance majeure, 30 % des logements en France
étant soumis au régime de la copropriété.

Avec l’adoption des nouvelles normes énergétiques, le sujet est plus que jamais d’actualité.
La mise en conformité de nombreux immeubles entraînera le vote de lourdes enveloppes
travaux. Dans ce contexte, Cécile Barnasson et Pierre Olivier tirent la sonnette d’alarme sur
les implications économiques, largement sous-estimées, du régime de la copropriété : le «
trou de la copro » s’évaluera en milliards d’euros selon COPRO+. Un défi pressant qui nécessite
une action immédiate, et sur lequel COPRO+ s’engage déjà à travers différentes mesures et
initiatives.

Transposer les « bonnes pratiques de l’entreprise » à la copropriété : 
la vision de COPRO+

La raison d’être de COPRO+ est « de donner aux acteurs de la copropriété les clés
pour améliorer la gestion des copropriétés « , explique Cécile. Car lorsque Pierre et Cécile se
sont intéressés à la question de la copropriété, ils ont rapidement constaté l’absence
généralisée des « bonnes pratiques de l’entreprise » auxquelles ils ont été formés. En résulte
de graves lacunes dans la gestion des comptes des copropriétés, marquées par des anomalies
et des pertes financières. En réponse, COPRO+ a introduit « copro-compatibilité » – une
approche que le cabinet de conseil entend partager avec tous les acteurs de la copropriété.
« À l’origine, nous nous adressions principalement aux conseils syndicaux, puis nous avons
élargi notre audience aux collectivités », explique Pierre. Il ajoute : « Nous intervenons soit en
amont pour orienter l’intervention publique,soit en accompagnantsa mise en œuvre, avec une
équipe pluridisciplinaire de 10 consultants. » Ces activités opérationnelles sont étayées par des
recherches et innovations constantes, l’ADN de COPRO+.

Agir pour le changement : les projets de recherche visionnaires de COPRO+

COPRO+ table sur ses activités de Recherche et Développement pour faire bouger les lignes.
Car en matière de gestion de la copropriété, il y a, selon COPRO+, de nombreux aspects à
revoir. Leur premier constat ? L’immobilisme. « Après 40 années passées dans le domaine de
l’informatique, un secteur en constante évolution, j’ai été frappé par l’immobilisme
caractéristique du monde de la copropriété », déclare Pierre, consterné. « Cette organisation
étrange, ni association ni entreprise, a un fonctionnement très particulier. » Armés de leur
expérience pratique, ils utilisent la recherche comme levier pour contribuer à l’évolution de la
législation, en entreprenant notamment des projets de recherche en collaboration avec le
Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) et l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Autre particularité de la copropriété, selon COPRO+, et pas des moindres : l’absence de
référentiel de données. Comment parvenir à une optimisation des charges s’il n’y pas une
vision claire des comptes ? COPRO+ a rapidement répondu à cette question en élaborant le
référentiel DICOPRO et en développant la gamme d’outils de COPROTIQUE. « Ce dispositif est
ainsi appliqué sur Grigny II, ensemble regroupant 27 syndicats de copropriété, gérés par
différents syndics. Nous collectons et harmonisons toutes leurs données de gestion puis les
analysons à l’aide d’outils de Business Intelligence (BI) pour alimenter le dispositif de pilotage
public », explique Pierre. Une véritable avancée vers la gestion intelligente et transparente
des copropriétés.

« Incohérences », « absurdités » et « manque de transparence » :
il est temps de repenser la copropriété

Des manquements et des incohérences, il y en a, nous confie COPRO+. Pierre et Cécile
soulèvent d’autres interrogations sur la comptabilité : ses spécificités et son contrôle. La
comptabilité des copropriétés intègre une comptabilité générale souvent lacunaire et une
dimension analytique liée à la répartition des charges entre les copropriétaires, conforme au
règlement de copropriété. Plus surprenant encore, la copropriété est le seul secteur où la loi
confie à des personnes non certifiées, le conseil syndical, la responsabilité de contrôler la
gestion d’un professionnel, même lorsque les budgets peuvent atteindre plusieurs millions
d’euros et inclure d’importantes subventions publiques.

Leur recommandation ? Un contrôle externe. COPRO+ suggère la mise en place d’un contrôle
externe sous la forme d’un Examen de Cohérence et de Vraisemblance (ECV), similaire à ceux
pratiqués par les Associations ou Centres de Gestion Agréés auprès des TPE, pour un coût
annuel modique. Ils estiment que ce contrôle devrait être obligatoire au moins pour les
syndicats recevant des subventions publiques. Face à ces lacunes, Cécile et Pierre ont proposé
des solutions alternatives dans leur ouvrage « Sauvons les copropriétés, ce qu’il faut changer »,
paru en 2011.

Évolutions et enseignements : un bilan contrasté depuis 2011

Certaines des mesures transitoires qu’ils ont proposées dans leur livre, telles que le compte
séparé, le référencement des copropriétés, le fonds travaux et le DTG, ont été intégrées dans
la loi ALUR de 2014. Cependant, malgré ces progrès, de nouvelles difficultés persistent et
s’aggravent. La crise énergétique et l’inflation ont exacerbé le problème des impayés de
charges, alimentant ainsi la spirale de la dégradation inéluctable des immeubles par manque
d’entretien. Malgré les efforts déployés par divers acteurs tels que l’État, l’Anah, les
collectivités, les syndics et les opérateurs, la lutte contre ce fléau semble être un défi de plus
en plus difficile à relever.

Selon Cécile et Pierre, la véritable cause de ces difficultés réside dans le statut d’indivision
forcée de la copropriété. En effet, l’absence d’organe de gestion au sein de l’indivision
propriétaire des parties communes nécessite la juxtaposition d’une autre structure, le
syndicat des copropriétaires chargé d’entretenir des biens qui ne lui appartiennent pas. Cette
organisation répond aux besoins de gestion courante, mais elle n’est pas adaptée aux besoins
d’entretien lourd. Les tentatives d’atténuer les conséquences de ce problème par le biais de
modifications législatives n’ont pas réussi à traiter la cause profonde de la dégradation des
copropriétés. « Depuis, l’évolution des textes vise à réduire les conséquences de ce défaut
génétique, sans jamais en traiter la cause ! », s’exclame Pierre.

L’indivision : un obstacle pour relever le défi de la rénovation énergétique

Bien que les immeubles en copropriété soient semblables à ceux des bailleurs sociaux, les
projets de rénovation sont plus complexes et beaucoup plus longs, en raison de trois
difficultés majeures liées à leur statut.

La première difficulté réside dans le processus de choix des travaux à entreprendre. Parvenir
à un consensus sur le programme de travaux est souvent une épreuve ardue en raison des
délais prolongés et des désaccords fréquents au sein de la copropriété. En copropriété, la
gestion de projet est unique en son genre en raison de sa nature collective et plurielle.

La deuxième difficulté concerne le financement. La structure de la copropriété ne dispose pas
de biens propres à proposer en garantie d’un emprunt collectif. En copropriété le financement
des travaux reste est une question individuelle. Comme le souligne Pierre, « Elle doit recourir
à des dispositifs spécifiques de ‘prêts collectifs à adhésion individuelle’ dont la complexité
juridique rivalise avec celle des modalités pratiques de montage ». Il exprime également l’espoir
que les dispositions en matière d’emprunt envisagées dans la prochaine loi soient rapidement
mises en œuvre. Il apprécie par ailleurs l’intensification du déploiement des programmes de
subventions collectives et d’aides individuelles.

Enfin, la troisième difficulté réside dans les contestations. Chaque copropriétaire opposant ou
défaillant a le droit de contester une décision prise lors de l’assemblée générale devant le
tribunal judiciaire, même pour des raisons dilatoires. Ainsi, un projet laborieusement élaboré
sur plusieurs années et approuvé par une large majorité peut être bloqué par un seul
copropriétaire.

Copropriétés dégradées : l’État peut-il faire mieux ?

Cécile déplore une « spirale de dégradation » : « L’effet de résonance entre l’augmentation des
impayés et le défaut d’entretien entraîne la dégradation progressive de l’immeuble et de son
peuplement. » Rapidement, la structure n’a plus la capacité d’organiser seule son
fonctionnement et son entretien, jusqu’à atteindre l’état de carence, une forme de faillite. La
collectivité doit alors intervenir pour sécuriser, exproprier et reloger les occupants, un
programme long et dispendieux.

Pour éviter cette issue fatale, la personne publique est contrainte d’intervenir massivement
dans cette sphère privée. Le Plan Initiative Copropriété (PIC) offre aux collectivités une gamme
de dispositifs d’accompagnement et de financement adaptés à la gravité des situations.
Malheureusement, la réparation des immeubles ne suffit pas, les défauts de fonctionnement
persistent et les rechutes sont nombreuses.

Pourrait-on faire mieux ? « Nous ne voyons pas d’alternative à cesinterventions publiquessans
changer le statut de la copropriété », se désole Cécile. Toutefois, une lueur d’espoir émerge
du projet de loi en discussion au parlement. La possibilité dérogatoire d’expropriation des
parties communes, prévue dans ce projet de loi, constituerait un premier pas vers le
démembrement entre la partie commune et la partie privative. Cette mesure offrirait une
alternative à l’état de carence, bénéfique à la fois pour la personne publique et pour les
copropriétaires. L’entretien des parties communes expropriées serait confié à un opérateur,
sans compromettre la propriété des parties privatives.

Le message de COPRO+ pour les pouvoirs publics

« Notre message sera triple : sensibiliser, influencer, alerter », entonnent Pierre et Cécile.

En tant que sensibilisateur, COPRO+ appelle à la reconnaissance d’un droit spécifique à la
copropriété, distinct du droit de propriété individuelle, afin de permettre une gestion
collective adaptée à cet objet urbain collectif. La loi de 1965, devenue obsolète, nuit
désormais aux copropriétaires qu’elle est censée protéger.

En tant qu’influenceur des politiques publiques, COPRO+ encourage les collectivités
concernées par ces enjeux à innover en expérimentant des mesures dérogatoires, telles que
l’expropriation des parties communes. Nous serons volontaires pour les accompagner.

Enfin en qualité de lanceur d’alerte, COPRO+ met en lumière les enjeux économiques
considérables associés à la copropriété, accentués par les défis énergétiques actuels et la
prolifération des copropriétés en difficulté. Ils attirent ainsi l’attention sur ce qu’ils nomment
le « Trou de la Copro » : une charge publique récurrente qui s’évalue et s’évaluera en milliards
d’euros.

Seule la création d’un statut de structure collective, capable d’entretenir ses biens grâce aux
mécanismes classiques d’amortissement est, à notre avis, susceptible de circonscrire ce
sinistre et de transférer progressivement cette charge publique vers les copropriétaires privés,
avec la participation des banques. « C’est notre réponse à la question initiale : Où trouver les
milliards pour la copropriété ? conclut Cécile ».

Diane Vanderschelden

Lien de l’article du Figaro (Vidéo):
– Regards de Dirigeants

Autres actualités